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Découverte de nouveaux rôles pour eIF4E : reprogrammation de masse de l’épissage pour changer le message

Publié le 4 avril 2023

Les ARNs, messagers de l’information génétique, sont parfois altérés dans les cellules cancéreuses; ce qui modifie le message initialement transmis par l’ADN. Les ARNs sont d’abord produits sous forme immature et nécessitent des modifications structurales et chimiques avant d’être convertis en protéines. L’une de ces modifications implique de retirer certains segments, qui sont non-codants, de l’ARN : c’est le processus d’épissage. Dans le cas de l’épissage alternatif, des segments non-codants et codants sont retirés, produisant une variété d’ARNs, et donc de messages, différents. Ces altérations changent ultimement les niveaux et/ou les fonctions des protéines produites.

L’équipe de la professeure Katherine Borden, directrice de l’Unité en structure et fonction du noyau cellulaire de l’IRIC, a voulu comprendre comment l’épissage alternatif était détourné chez certaines personnes atteintes de la leucémie myéloïde aiguë (LMA) qui ne présentent pas les mutations de l’ADN habituellement impliquées dans ce détournement. L’étude de modèles de laboratoires et d’échantillons de personnes leucémiques a permis de découvrir que l’épissage de milliers d’ARNs pouvait être altéré de façon insoupçonnée par la protéine oncogène eIF4E, conférant des propriétés cancéreuses aux cellules. Publié dans le journal EMBO, le travail a été mené conjointement par les postdoctorants Mehdi Ghram et Gavin Morris, ainsi que par l’associée de recherche Biljana Culjkovic-Kraljacic.

 

Reprogrammation de l’épissage en absence de mutations

La dérégulation de l’épissage des ARNs est généralement associée à la présence de mutations chez des composantes de la machinerie cellulaire d’épissage, connue sous le nom de splicéosome. L’étude du laboratoire Borden révèle que la dérégulation d’eIF4E augmente la production de certaines protéines clés du processus d’épissage, générant un paysage d’épissage modifié en l’absence de mutations. La production de ces facteurs d’épissage est accrue par eIF4E via l’augmentation de l’export du noyau de leurs ARNs respectifs et, dans certains cas, via la stimulation de leur conversion en protéines (un processus qui s’appelle traduction). De plus, il a été observé qu’eIF4E s’associe physiquement avec le splicéosome et des ARNs ciblés pour épissage, suggérant un rôle direct dans le processus d’épissage de certains ARNs.

 

Un changement de paradigme pour la régulation de l’épissage qui pourrait avoir une portée clinique

La découverte de cette reprogrammation de masse de l’épissage met en lumière une façon complètement inédite pour eIF4E de contribuer aux cancers. En agissant simultanément sur plusieurs acteurs de la machinerie d’épissage, eIF4E induit une gamme d’altérations du programme d’épissage beaucoup plus étendue que les mutations individuelles, décuplant son potentiel oncogénique. Le travail du laboratoire Borden fournit donc une meilleure compréhension des mécanismes à l’origine de la dérégulation de l’épissage en absence de mutations. Ces résultats pourraient permettre d’étendre l’utilisation d’inhibiteurs de l’épissage aux personnes atteintes de LMA qui ne présentent pas de mutations de la machinerie d’épissage.

 

Étude citée :

Mehdi Ghram, Gavin Morris, Biljana Culjkovic-Kraljacic, Jean-Clement Mars, Patrick Gendron, Lucy Skrabanek, Maria Victoria Revuelta, Leandro Cerchietti, Monica L Guzman, Katherine L B Borden. The eukaryotic translation initiation factor eIF4E reprograms alternative splicing. The EMBO Journal. 2023; e110496. https://doi.org/10.15252/embj.2021110496