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L’évasion de mutants BRAF stoppée par des « agents » thérapeutiques

Publié le 29 mai 2025

L’équipe de Marc Therrien, directeur général et directeur de l’Unité de recherche en signalisation intracellulaire de l’IRIC, a identifié des changements structurels majeurs qui permettent à la protéine BRAF d’échapper aux contrôles et de mimer son activation, ce qui lui confère un fort potentiel oncogénique. De plus, les chercheurs et chercheuses ont réussi à rétablir complètement l’état conformationnel normal de la protéine par l’utilisation de petites molécules – ce qui constitue une première. L’étude, publiée dans la prestigieuse revue Science, est le fruit du travail conjoint de Hugo Lavoie (directeur adjoint), Ting Jin (conseillère à la recherche) et Driss Lajoie (conseiller à la recherche), qui en sont les co-premiers auteurs. Elle s’inscrit dans une collaboration étroite entre plusieurs équipes de recherche qui, en plus du laboratoire Therrien, impliquent des équipes de la NYU Langone (New York), de l’Université de Bordeaux et de l’Université de Calgary.

 

Une structure altérée qui « mime » la forme active de BRAF

Environ 50 % des cancers sont liés à un dysfonctionnement de la voie MAPK, un système de communication qui permet aux cellules d’intégrer des signaux externes et de fournir des réponses cellulaires appropriées. Au cœur de cette voie, une protéine nommée BRAF agit comme interrupteur moléculaire qui se doit d’être rigoureusement contrôlé. Fréquemment touchée par des mutations dites oncogéniques, BRAF est impliquée dans plusieurs cancers humains.

À l’état normal, la protéine BRAF demeure confinée dans une forme inactive grâce à un mécanisme d’auto-inhibition qui est critique pour préserver une régulation fine et correcte de la voie MAPK. Mais certaines mutations lui permettent de « s’évader », par l’adoption d’une forme qui mime son état actif, et de déclencher une signalisation incontrôlée à l’origine de cancers, notamment de la thyroïde, de la peau, du côlon et du poumon. Comment? L’équipe du professeur Therrien a percé une partie du mystère.

Par des expériences de cryomicroscopie électronique, qui permet d’étudier la structure tridimensionnelle d’échantillons biologiques complexes, l’équipe de Marc Therrien a réussi à identifier des changements structurels majeurs causés par les mutations de BRAF qui lui permettent de s’activer de façon anormale. En bref, les formes oncogéniques de BRAF adoptent une structure quasi identique à la forme naturellement active de la protéine. Les formes altérées de BRAF peuvent ainsi échapper au mécanisme d’auto-inhibition et, en quelque sorte, contourner les contrôles de sécurité internes de la cellule. C’est un peu comme si BRAF endossait un déguisement de forme active pour déclencher la prolifération cellulaire à volonté.

 

Une petite hélice au grand potentiel thérapeutique

Au centre de cette stratégie d’évasion : une hélice, nommée alpha-C. Ce segment de la protéine adopte chez les formes mutées un positionnement similaire à celui de la forme active de BRAF. L’équipe a utilisé des petites molécules inhibitrices pour cibler l’hélice alpha-C et impacter son positionnement. Certains des inhibiteurs testés ont permis de reconvertir la forme oncogénique hyperactive vers l’état auto-inhibé inactif de BRAF. Ces résultats confirment le rôle central joué par cette structure dans la reconfiguration structurelle majeure des formes oncogéniques de BRAF. En outre, la « reconversion » conformationnelle complète d’une protéine mutante par une molécule thérapeutique représente une première dans ce champ de recherche.

L’étude du laboratoire Therrien publiée dans la revue Science apporte une meilleure compréhension des déterminants sous-jacents au potentiel oncogénique de BRAF. Elle pave également la voie à l’optimisation de nouvelles classes de petites molécules inhibitrices qui pourraient mieux neutraliser les « fugitifs » oncogéniques et les reconvertir vers un état inactif avant qu’ils ne prennent le contrôle de la cellule.

 

Étude citée

Lavoie H, Jin T, Lajoie D, Decossas M, Gendron P, Wang B, Filandr F, Sahmi M, Jo CH, Weber S, Arsenault G, Tripathy S, Beaulieu P, Schuetz DA, Schriemer DC, Marinier A, Rice WJ, Maisonneuve P, Therrien M. BRAF oncogenic mutants evade autoinhibition through a common mechanism. Science388, eadp2742(2025). 10.1126/science.adp2742