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Un travail de l’ombre mis en lumière : une récompense des IRSC pour les chercheurs Gregory Emery et David Knapp
Publié le 12 août 2025
Gregory Emery et David Knapp, respectivement directeurs de l’Unité de recherche en transport vésiculaire et signalisation cellulaire et de l’Unité de recherche en ingénierie cellulaire de l’IRIC, ont tous deux reçu une mention de contribution exceptionnelle du Collège des évaluateurs des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC). De plus, il a été déterminé que Gregory Emery a rendu un service d’évaluation exceptionnel lors de trois concours de subventions de projet consécutifs ou plus; une distinction attribuée à seulement 1% des évaluateurs et évaluatrices au pays. David Knapp a pour sa part obtenu trois mentions de contribution exceptionnelle. Cette reconnaissance témoigne de la qualité remarquable de leur travail d’évaluation et de leur participation constructive aux discussions des comités.
Discussion croisée sur ce rôle méconnu, mais essentiel en recherche :
En vos mots, en quoi consiste le travail des évaluateurs et évaluatrices des IRSC?
Gregory Emery (G. E.) : Au Canada, une grande partie de la recherche biomédicale est soutenue par les IRSC, qui tiennent deux compétitions de subventions régulières par année. Pour chacune, plus de 2500 demandes sont reçues. Avec un taux de succès d’environ une demande financée pour 6 ou 7 demandes soumises, comment évaluer adéquatement cette masse de projets? Ce sont des comités de chercheurs et chercheuses qui s’en occupent. Chaque comité reçoit les demandes liées à son champ d’expertise, les évalue et leur attribue un score. C’est ce qu’on appelle l’évaluation par les pairs.
David Knapp (D.K.) : Le travail d’un évaluateur ou d’une évaluatrice des IRSC comporte deux volets. Tout d’abord, nous devons déterminer quelles propositions sont scientifiquement valables et les plus susceptibles d’améliorer la santé des Canadiennes, des Canadiens, et de l’humanité en général. Est-ce que les expériences sont logiques et répondent adéquatement aux questions soulevées? Est-ce que l’équipe pourra les effectuer dans le temps imparti? Est-ce que le chercheur ou la chercheuse a un historique de productivité scientifique dans ce domaine? Deuxièmement, nous devons fournir un rapport d’évaluation impartial et constructif à toutes les demandes évaluées. Ce rapport doit résumer ce que nous avons pensé du projet proposé, de ses forces et de ses faiblesses. Cet aspect de l’évaluation est probablement celui qui a le plus d’impact, car il nous permet de contribuer à garantir la qualité scientifique de tous les projets, pas seulement de ceux financés.
G.E. : De fait, le but ici n’est pas de simplement critiquer la demande, mais de fournir des pistes pour aider le chercheur ou la chercheuse à améliorer projet. Pour effectuer cet exercice de façon juste et impartiale, nous devons nous renseigner sur l’état de la recherche dans le domaine concerné, et nous devons nous détacher autant que possible de nos biais. Le processus d’évaluation prend du temps, mais il permet un apprentissage constant de nouvelles choses. Il peut toutefois être frustrant de constater que de la recherche de très haute qualité ne sera pas financée lors d’un concours.
Globalement, comment l’évaluation par les pairs contribue-t-elle à l’écosystème de recherche?
D.K. : Elle joue un rôle crucial pour le contrôle de la qualité des travaux scientifiques réalisés et diffusés. Surtout dans le système hyper compétitif et récompensant la nouveauté dans lequel nous évoluons. L’évaluation par les pairs est l’un des remparts permettant de garantir que la science demeure dédiée à découvrir ce qui se rapproche le plus de la vérité.
G.E. : En effet, si les chercheurs et chercheuses ne s’impliquaient pas, qui effectuerait l’évaluation des projets de recherche? Probablement des personnes qui n’auraient pas les connaissances nécessaires pour évaluer la qualité et l’importance des travaux de recherche. Il y aurait de forts risques de biais. La recherche fondamentale, par exemple, dont les bénéfices ne sont évidents qu’à long terme, verrait probablement son financement fortement réduit.
Pourquoi est-ce important pour vous de vous impliquer comme évaluateurs?
G.E. : Participer à l’évaluation de projets aux IRSC est à la fois un devoir et un honneur. C’est un devoir parce que le système ne peut pas fonctionner sans évaluation par les pairs. C’est aussi un honneur, car c’est aussi une forme de reconnaissance par nos pairs d’être invité sur un comité d’évaluation. Il s’agit aussi d’une position privilégiée pour constater la rigueur et le sérieux déployés par les évaluateurs et les évaluatrices tout au long du processus.
D.K. : Comme Greg, en tant que scientifique, je considère que la participation à l’évaluation par les pairs est l’un de mes devoirs fondamentaux. Comme une cellule cancéreuse qui perd ses mécanismes de contrôle, le système serait enclin à la corruption sans notre participation active à ce processus. Nous savons désormais ce qui se passe lorsque la vérité est déformée; nous devons combattre activement ce type de dérapages.
Vous êtes à différents stades de vos carrières; est-ce que ce travail vous apporte tous les deux quelque chose comme chercheurs?
G.E. : Définitivement! En tant qu’évaluateurs, nous avons un accès privilégié aux dessous des projets : les raisonnements, les techniques proposées et les perspectives envisagées par nos collègues. C’est très nourrissant. J’apprécie aussi l’exercice intellectuel que ça représente, lorsqu’il faut discuter et même débattre des propositions. Une autre grande satisfaction est la rencontre de nouveaux collègues et la découverte d’expertises via les comités. De nouvelles collaborations scientifiques peuvent même en découler!
D.K. : Tout à fait, cette opportunité de rencontrer et d’interagir avec des chercheurs et chercheuses, que nous n’aurions peut-être pas croisés autrement, contribue à renforcer la communauté scientifique du pays. La participation au processus d’évaluation donne aussi la possibilité d’évaluer notre propre travail de manière critique, ce qui nous permet d’améliorer nos propres écrits. C’est une belle école!
Que représente cette mention du collège des évaluateurs pour vous?
G.E. : C’est très appréciable de voir nos efforts et le temps investi à titre d’évaluateur être reconnus. C’est un travail de l’ombre dont on parle trop rarement. Personnellement, je remets toujours en question mon travail d’évaluateur; une telle mention valide mon travail et me motive à continuer!
D.K. : J’ajouterais même que la reconnaissance de ce type de prix pour les promotions académiques ou pour nos propres demandes de financement serait souhaitable. Ce n’est malheureusement pas le cas pour l’instant, malgré les efforts substantiels que nous consacrons à l’examen par les pairs.
Qu’est-ce qui fait de vous de bons évaluateurs?
G.E. : En toute franchise, je l’ignore. Avec l’expérience, je pense être capable de synthétiser mes conclusions de façon efficace, aller directement aux points critiques sans m’étendre excessivement sur des détails.
D.K. : Pour moi, un bon évaluateur ou évaluatrice fournit un avis critique, impartial et constructif : son travail consiste autant à fournir un classement qu’à aider les candidats et candidates à améliorer leurs travaux. J’essaie de m’en tenir à ses idéaux lorsque j’effectue mes évaluations, et j’espère que j’y parviendrai le plus souvent possible!